Tous les métiers connaissent une profonde transformation sous linfluence de la révolution digitale et de lusage des réseaux sociaux. Il est évident que le recrutement est directement concerné par cette révolution. Les entreprises recrutent directement à partir des réseaux sociaux avec plus ou moins de bonheur. Les cabinets ont intégré dans leurs outils depuis déjà longtemps les réseaux sociaux qui facilitent lidentification des candidats et permettent de compléter rapidement le travail classique des chasseurs.
Ces outils ont un réel apport et ont transformé nos process en déplaçant les enjeux du recrutement. Dune certaine façon, ils ont aidé à améliorer la qualité des approches des cabinets en les challengeant et en les obligeant à mieux valoriser leur métier. En effet, le travail de sélection et dévaluation des cabinets est devenu de plus en plus exigeant, les identifications se veulent de plus en plus exhaustives et laide à la décision des candidats et des clients est devenue cruciale.
Toutefois, plusieurs écueils sont certainement à éviter pour ne pas rester dans lillusion dun résultat rapide, sinon immédiat. Après quelques années dobservation de lutilisation des réseaux sociaux directement en entreprise, nous constatons des résultats contrastés et mitigés.
En fait nous observons une double illusion.
Le premier niveau du rêve est la confusion de lintégralité dun process de recrutement avec sa toute première étape, cest à dire détecter le candidat qui correspondrait au profil recherché. Lutilisateur du réseau social visionne ainsi sur son écran le CIO international dans lautomotive basé aux Etats-Unis, le Directeur Général dans linformatique financière spécialiste des produits dérivés, le Directeur financier spécialiste de lagroalimentaire, le Data scientist expert de lassurance et son réflexe tout naturel est de se dire Euréka jai cliqué, Euréka jai trouvé ! Nous sommes dans ce cas dans la parfaite illusion et la puissance du réseau amplifiée par le marketing des candidats font oublier les règles de bases du recrutement.
A ce niveau de sélection, tout le travail reste évidemment à faire et il est dautant plus important que le volume des données à traiter correspondant aux critères de recherche est très conséquent et global. Cest ainsi que beaucoup de cellules de recrutement internes sont actuellement sous la pression des opérationnels qui ne comprennent pas les délais de traitement des candidatures alors quà partir de leur Smartphone ils visualisent instantanément le candidat idéal sur leur réseau social préféré. Ce paradoxe est frappant et génère des coûts cachés importants pour lentreprise et beaucoup de frustrations pour les collaborateurs internes comme pour les candidats approchés qui ne comprennent pas plus lextension des délais des recherches à lépoque du digital !
Le second niveau dillusion réside dans loubli de la sélection ou la réalisation dune sélection superficielle. Limmédiateté de linformation et limportance du nombre de candidats potentiels offrent un résultat approximatif et purement mécanique. Les critères retenus ne sont pas plus objectifs que ceux dun recruteur. Bien au contraire, ils résultent du tri dinformations souvent « enjolivées » par les candidats qui ont eux mêmes réalisé leurs inscriptions. Nous avons dailleurs constaté ces dernières années une recrudescence des titres de dirigeants dans les mêmes sociétés. Ce résultat immédiat et superficiel oblige à un travail supplémentaire de vérification de linformation dont il serait intéressant dévaluer le coût.
Enfin, toute organisation a des moyens limités et le résultat de ces requêtes rapides ne permettra in fine que de rencontrer quelques personnes parmi les candidats retenus. Dès lors comment sassurer que lentreprise aura vraiment pu rencontrer les meilleurs candidats et ceux qui correspondent réellement à ses valeurs à ses ambitions ?
Nous observons chez ARROWMAN que cette grande illusion rejoint celle qui nie le travail de recherche et lintérêt dun intermédiaire, expert des métiers, engagé à mener une recherche de la détection des talents à la bonne conclusion de la mission en respectant de façon équilibrée les intérêts des clients comme ceux des candidats. Les réseaux sociaux ne sont pas critiquables en soi, car ils sont un bon outil, mais ils ne sont quun outil qui permet daugmenter limpact des approches. Leur usage approximatif allié à lillusion dune économie ne fait que dévaloriser les ressources internes et les candidats eux-mêmes. Le Big Data trouvera peut être ses limites dans le recrutement et les ressources humaines qui continueront à favoriser les rencontres, les échanges, la qualité de lévaluation, la réalité du travail bien fait, le respect et la confiance dans les sociétés les plus performantes en tous cas.
Jean-Pierre Scandella, Gérant dARROWMAN Executive Search