L’évolution rapide du marché du travail et, plus récemment, la crise du Covid-19 ont fait naître de nouvelles aspirations du côté des candidats. La reprise économique et la poursuite de la transformation digitale des entreprises ont provoqué une tension générale sur le marché de l’emploi, de nouvelles tendances et de nouvelles aspirations chez les candidats. Lorsqu’ils sélectionnent une entreprise, ces derniers sont attentifs à des critères qui ne sont pas toujours suffisamment compris ou bien évalués par les employeurs. Une tendance que souhaite sonder le cabinet Arrowman Executive Search sur le marché directement en France et à l’international, comme l’explique Jean-Pierre Scandella, son Président, qui lance une étude auprès des candidats recrutés ces deux dernières années.
Quels sont les nouveaux critères de décision des candidats dans le cadre d’un recrutement ?
Aujourd’hui, les candidats sont attentifs à plusieurs critères de façon simultanée lorsqu’ils choisissent une entreprise. La possibilité de télétravailler est devenue tout aussi importante que l’attractivité de la rémunération, la recherche de sens, l’intérêt du projet d’entreprise et l’attention humaine que les recruteurs leur porte. Les besoins de flexibilité, d’autonomie et de liberté des collaborateurs ne sont pas nés suite à la crise du Covid-19. C’est une tendance de fond que nous observons depuis plusieurs années et qui se traduit, entre autres, par la montée en puissance du freelancing et du travail indépendant. La crise sanitaire n’a fait qu’accélérer ce processus, notamment par la généralisation, parfois à marche forcée, du télétravail. Pour autant, les employeurs n’ont pas encore tous pris la mesure de l’importance de ce phénomène. Alors qu’il est de plus en plus difficile de recruter, du fait de la rareté des bons profils sur le marché de l’emploi, il est donc urgent que les entreprises étudient plus finement l’ensemble de ces critères et leur pondération dans la prise de décision des candidats.
Quel est le risque pour une entreprise qui ne considérerait pas bien ces critères ?
Le risque est important : les entreprises qui n’ont pas compris que les candidats recherchent de la souplesse dans leur mode de travail ne réussiront plus à recruter les meilleurs profils. Elles se couperont donc d’une manne importante de talents. Dans un marché déséquilibré entre l’offre et les compétences disponibles, ce seront les entreprises les plus méfiantes vis-à-vis du télétravail qui seront par exemple les grandes perdantes. C’est d’autant plus vrai que la concurrence s’est accrue dans certains secteurs d’activité et que les compétences se font rares comme dans le secteur du digital et des nouvelles technologies. Les start-up et les licornes, qui plébiscitent des environnements de travail flexibles, captent par exemple un nombre croissant de candidats. Les ETI ou plus généralement les entreprises prônant un mode de management plus « traditionnel » ne peuvent plus s’abstraire de cette tendance, y compris si elles sont leaders sur leur marché. Elles ont donc tout intérêt à aller au-delà de la crainte de perdre l’engagement collectif de leurs équipes.
Comment la quête de sens des candidats se traduit-elle ?
La quête de sens revêt plusieurs dimensions. La première, c’est que les candidats souhaitent travailler avec des entreprises qui ont des valeurs humaines proches des leurs. Ensuite, ils recherchent des entreprises qui leur permettent de trouver un équilibre entre leur vie professionnelle et personnelle. Cette quête de sens va de pair avec l’attention que l’entreprise doit leur porter. Les candidats veulent être considérés bien heureusement comme des personnes, indépendamment des process et des technologies et non comme des compétences bien identifiées. Aujourd’hui, nous savons mieux cartographier les compétences et nous avons une meilleure connaissance des technologies : c’est positif et cela contribue à la professionnalisation du recrutement. Pour autant, il ne faudrait pas tomber dans l’excès de considérer les CV des candidats avant de prendre en compte leurs personnalités, leurs aspirations humaines et leur potentiel. Accueillir les candidats en les soumettant à un test technique ne me semble par exemple pas être la meilleure approche pour valoriser les valeurs humaines et l’image de l’entreprise.
Comment souhaitez-vous accompagner les dirigeants dans ces nouveaux challenges ?
Nous observons qu’une distorsion s’installe entre la réalité du marché de l’emploi et les croyances et pratiques des entreprises. Celle-ci désorganise les processus de recrutement. Pour éveiller les consciences sur les nouveaux critères de décision des candidats, nous allons sonder les principaux intéressés et mener une étude internationale, dont les résultats seront présentés en avril 2022 lors de notre meeting international à Madrid avec tous les membres de notre réseau Lense & Lumen Advisory Group. Avec cette enquête, nous espérons aider les entreprises à mieux cerner les tendances et à améliorer leurs processus de recrutement en adéquation avec les nouvelles attentes des candidats. Nous aimerions également favoriser une approche de long terme qui privilégie la recherche de hauts potentiels à la recherche immédiate de compétences exactes y compris dans les technologies et l’industrie.
Nos conseils : – Écouter les attentes des candidats vis-à-vis de l’entreprise et de leur futur poste et opter pour une approche individualisée, « à la carte » ; – Alléger les processus de recrutement long et lourds qui sont inadaptés au marché de l’emploi actuel pour embaucher les profils rares et les plus sollicités ; – Impliquer davantage les opérationnels et les DRH les plus ouverts aux nouvelles tendances de recrutement afin d’améliorer leur image employeur et d’attirer les meilleurs candidats. |
Propos recueillis par Aurélie Tachot, journaliste indépendante, spécialisée dans les Ressources Humaines.