Il ne fait plus de doute que le digital constitue un formidable réservoir de croissance pour les entreprises, de nombreuses études le montrent. Selon le cabinet Roland Berger (1), les entreprises françaises pourraient ainsi doubler leur taux de croissance en accélérant leur transformation digitale. De même, une analyse du cabinet de conseil en stratégie Oliver Wyman (2), publiée en décembre 2014, démontre que les modèles digitaux sont à très fortes économies déchelle et que, dans lindustrie, la numérisation des processus se traduirait par des gains de productivité de 30 %.
Mais ces impacts économiques majeurs ne peuvent se concrétiser sans la prise en compte dune dimension, tout aussi importante, voire davantage, que la dimension économique : la dimension culturelle.
Le digital provoque en effet trois grandes ruptures dans les entreprises et les organisations. Dabord, un écrasement des hiérarchies et des silos, caractéristiques historiques du fonctionnement de la plupart des entreprises. Ensuite, un rapprochement entre la technologie, le marketing et le business. Enfin, une transformation des compétences qui concerne tous les individus, pas seulement les managers, les plus « technologues » ou les plus diplômés. Cette transformation est portée par un nouveau modèle de management de type « T-Shape » qui encourage le partage des connaissances à tous les niveaux de lorganisation (barre du T) et qui, dans le même temps, valorise les expertises individuelles (barre verticale du T).
Ces ruptures apparaissent comme autant de prérequis pour réussir la transformation digitale, dans un contexte marqué par un raccourcissement des cycles de vie de produits, des exigences dagilité et de retour sur investissement à court terme. Comment caractériser la culture digitale ? Plusieurs éléments sont révélateurs de lexistence dune posture digitale dans les entreprises : lautonomie des individus, leur ouverture desprit, la flexibilité et lesprit entrepreneurial, la capacité à prendre des risques et chercher à maîtriser les résultats, une communication plus simple, plus directe et plus transverse.
Comment dès lors insuffler une réelle culture digitale dans les organisations ?
Suggérons trois pistes prometteuses. La première : encourager la transversalité et faire en sorte que les équipes soient capables de travailler en modes bottom-up ou « Test & Learn », avec lagilité nécessaire pour sadapter au raccourcissement des phases de conception des produits et à la rapidité de leur mise sur le marché. Cela nécessite, au plus haut niveau, une (r)évolution de la culture technologique des comités de direction, dont la composition doit, elle aussi, changer : le renforcement du leadership des directeurs marketing et des directeurs de systèmes dinformation, grands absents des comités de direction, est incontournable, dautant quils sont porteurs dinnovation.
Seconde piste : sanctuariser dans les discours et dans les actes managériaux, même les plus anodins, le fait que le client est partout, que la technologie est partout et que le marketing doit être partout. Cette posture doit être naturelle, même si beaucoup de managers et de dirigeants ont perdu de vue lessence de leur mission : satisfaire des clients.
Finalement, la relation client daujourdhui, telle quelle est vantée dans les approches 2.0 ou 360 °, nest pas si nouvelle. Souvenons-nous des épiciers de campagne dantan, capables de savoir à qui ils vendaient quoi, qui savaient réussir à leur manière le cross-selling et le up-selling et qui pouvaient initier une vente au café du village, la poursuivre sur la place de léglise et la finaliser dans son échoppe, sans oublier dassurer le service après-vente La notion de service na donc pas changé, que le village soit rural ou mondial ! La simplicité et le service associé à une vente font toujours la différence. Le digital daujourdhui a dailleurs recréé des formes de proximité que lon connaissait autrefois
Troisième idée : favoriser les capacités entrepreneuriales et la prise de risque, de manière à créer de la valeur. Les entreprises qui réussissent le mieux sont aussi celles qui font des paris sur lavenir, qui encouragent la culture de linnovation et favorisent la mixité des métiers avec confiance. Attention, toutefois, à ne pas tomber dans un travers, hélas, encore trop répandu : considérer que la culture digitale se résume à un empilement de compétences (par exemple des Data Scientists) ou à la multiplication dinitiatives ponctuelles
Franck Pasquet
(1) Laventure numérique, une chance pour la France.
(2) Révolution digitale, nouvelles expériences clients, nouveaux modèles économiques, nouvelles transformations, 42 pages.